L’organe de Mikhaïl Yurévitch

Il y a très longtemps les nobles et les fonctionnaires de la Russie ancienne s'en remettaient toujours au Dieu et au tsar. Le gouverneur, par son statut, est un vrai envoyé du " tsar " car il est nommé par le Président de la Fédération de Russie. Malheureusement, la bénédiction du président peut parfois être insuffisante pour conquérir le respect et la popularité dans le patrimoine qui lui avait été confié. Dans ce cas-là il ne reste que s'appliquer un signe de croix et se diriger vers le Créateur de tout.

La drogue de l'église avait toujours des contre-indications et des effets secondaires. Voilà pourqoui on dit souvent qu'il ne faut pas faire un fou prier au Dieu parce qu'il se fera du mal. Mais est-ce qu'il reste toujours quelqu'un aujourd'hui qui croient aux sagesses du peuple ?

Le premier à se faire du mal contre l'autel de l'église avait été Alexandre Micharine, gouverneur de la région de Sverdlovsk, nommé au poste novembre dernier. Le diocèse local s'est adressé au Patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille, la véille de sa visite à Ekaterinbourg, avec une proposition de restaurer la cathédrale de la Grande martyre Sainte Ekatérina au centre même de la capitale de l'Oural.

Le chef de la région a appuyé énergiquement l'idée contestable. Car si la cathédrale était restauré, elle serait placée à une centaine de mètres de sa rèsidence. Qui sait, peut-être, les conseillers du gouverneur ont cru que cette proximité au Dieu pourrait calmer la population désespérée par la politique de A.Micharine et l'élever symboliquement pour les élites. Les fonctionnaires se sont mis à faire les calculs pour réstaurer l'édifice du culte. Les auteurs de l'idée se sont mis d'accord avec tous en un clin d'oeuil, sauf avec la population. Il fallait y mieux penser.

Pour construire l'église, il faudrait obligatoirement détruire la fontaine bien aimée des habitants de la ville, ainsi qu'un square qui faisait son mieux pour rafraîchir l'ambiance étouffante et poussiéreuse du centre d'Ekaterinbourg. Des milliers d'habitants de la capitale de l'Oural sont sortis pour protester et protéger la place qu'ils aimaient et pour faire montrer que le Dieu n'était pas seulement au gouverneur, mais aussi à la population. C'est grâce à leurs efforts que le proteste a été entendu à Moscou et l'on a refusé de restaurer la cathédrale, les documents pour soliciter l'autorisation de commencer les oeuvres ne sont jamais arrivés à la Mairie. Et ils n'y arriveront jamais. A.Micharine n'en parle plus de son initiative.

Il paraît que cela a été une bonne leçon. Mais c'est vraiment une tradition très ancienne en Russie que l'on fait la même erreur deux fois, voire trois fois. Un peu plus tard, Mikhaïl Yurévitch, gouverneur de la région voisine de Tchélyabinsk, s'est fait du mal, lui aussi, contre l'inventaire du jardin.

M.Yurévitch est entré en charge le 22 avril, le jour de l'anniversaire de Vladimir Lénine. Cette coïncidence est très symbolique. Le nouveau chef de la région s'est fait très vite comprendre qu'il allait appliquer des méthodes revolutionnaires dans ses activités.

M.Yurévitch a décidé de faire un cadeau à l'Eglise orthodoxe de la Russie deux jours avant d'entrer en charge. La véille de la visite du Patriarche Cyrille à Tchélyabinsk, il a proposé de passer la cathédrale d'Alexandre Nevsky à l'Eglise orthodoxe de la Russie. Cette cathédrale avec des coupoles et des croix était autant symbolique pour les habitants de Tchélyabinsk que la fontaine de la ville pour les habitants d'Ekatérinbourg. Cette cathédrale hébergeait une salle de la musique de chambre et d'organe, unique dans la région. 

Cyrille a bien apprécier le sacrifice. "J'ai éte très heureux de rencontrer cette position des autorités locales. Votre ville porte toujours le sceau de la vie ancienne. Et on le voit facilement. Construisez plus de cathédrales. Je viendrai ici avec plaisir pour les consacrer, » a dit le Patriarche.

Mais les passionnés de la philarmonie de la région et ceux qui aimaient tellement leur musique, eux, n'ont pas été autant heureux d'apprendre cette nouvelle. C'était aussi parce que Tchélyabinsk risquait de perdre l'organe unique produit par la société allemande Hermann Eule Orgelbau, qui ne survivra certainement pas le déménagement à un nouvel édifice. En fait, il n'y a pas d'autre édifice où l'on pourrait le transférir. Les autorités de la région ont proposé quelques nouveaux locaux pour installer l'instrument musical, y compris celui de cinéma qui s'appellait Rodina et qui se trouvait dans un état semi-détruit. Aucun édifice n'est adapté à ces besoins et requièrent une reconstruction cardinale.

Selon Alexandre Podoprigor, un politologue de Tchélyabinsk, il faut bien préparer le déménagement, ou bien construire une nouvelle salle de musique d'organe. "L'organe, on ne peut pas le prendre et transporter quelque part, il serait certainement défiguré et perdrait son son. Voilà pourquoi les hommes de la culture ont demandé de ne pas être chassés de l'édifice de la cathédrale pour le moment".

Une fois que les hommes de la culture ont commencé à collecter les signatures pour défendre l'instrument musical et ont déclaré leur intention de tenir un concert sous forme de meeting, ils ont rencontré une résistance qui n'était pas celle du Dieu. Le 28 avril ils ont été demandés de se présenter à une station de police locale pour assister à une session du comité de la lutte contre l'extrémisme et écouter une conférence sur le danger des actions de proteste qui n'étaient pas sanctionnées. Il y avaient parmi les extrémistes potentiels artiste national de la Russie Vladimir Khomyakov, organiste Larisa Timechina, chef du programme pour les enfants "Nouveaux noms" Tamara Libermane, poétesse Irina Argutina et d'autres personnes assez connues à l'Oural du Sud. 

Les initiateurs du proteste ont tout de suite compris que la police de la ville avait reçu un ordre du haut. Mais ils n'ont pas cédé. Ils ont collecté quelques 8 mille signatures des résidents de la région sous la demande de prévenir le vandalisme et les ont transférées au Président de la Fédération de la Russie Dmitry Medvedev. Les organisateurs de cette action ont été vivement appuyés par la communauté de l'Internet et les habitants de la ville: autour d'un mille personnes sont venus assister au concert-meeting.

M.Yurévitch a fait opposer ses propres organes aux défenseurs de l'Organe. Le 14 mai, la véille du concert-meeting, la chambre de la jeunesse auprès du parlement de la ville de Tchélyabinsk a appuyé l'initiative du gouverneur avec majorité de voix.

Puis c'était le frère aîné de l'Organe de Mikhaïl Yurévitch qui est entré dans la lutte, à savoir la Chambre publique de la région. Ses membres ont collecté 15 000 signatures des défenseurs de l'initiative de rendre la cathédrale à l'Eglise orthodoxe de la Russie et les ont aussi envoyées au chef de l'état. Le temps qui leur a fallu pour collecter les signatures a fait les protestants de mettre en doute l'authenticité des autographes que le gouverneur avait disponibles.

Mais M.Yurévitch, tout aussi comme son homologue A.Micharine, a changé d'avis juste à temps et abandonné la bataille contre la population de sa propre région. Récemment son service de presse a publié une déclaration que l'instrument unique garderait sa place parce qu'il faillait du temps pour résoudre tous les soucis téchniques et ceux d'organisations. Le 8 juin le premier office divin va avoir lieu dans la cathédrale. Les prêtres vont prier à côté de l'organe.

L'instrument sera transporté quand une expertise indépendante choisit la salle la plus appropriée qui sera adaptée pour le son de l'organe. Si un tel local n'est pas trouvé, les autorités de la région vont examiner la possibilité de construire un nouvel édifice, c'était une promesse de la part du service de presse de M.Yurévitch.

A.Micharine et M.Yurévitch peuvent très vite guérir leurs maux divins. Mais est-ce qu'ils vont en tirer une leçon que des prières acharnées et mal pensées peuvent devenir dangeureuses pour la santé politique ? C'est ça la question.