La gare des espoirs non réalisés de la région de Sverdlovsk

07.10.2010 — Analytique

La S.A. "Deuxième compagnie de transport de marchandise" enregistrée en Septembre 2010 à Ekaterinbourg, a annoncé le début de son activité. Les acteurs du marché attendaient avec grande inquiétude son apparition. Ils sont persuadés que la "fille cadette" de la S.A."Compagnie des chemins de fer russes", créée à l'image de la "Première compagnie de transport de marchandises", poursuivra le même but : faire les plus importants bénéfices possibles, malgré les réalités économiques. "La voracité" des tarifs de la "Première compagnie de transport de marchandises" a obligé les propriétaires de marchandises à se serrer la ceinture. Avec la naissance de son "clone" ils n'auront plus rien à se mettre sous la dent. Les correspondants de "RusBusinessNews" ont tenté de comprendre dans quelle mesure ces peurs sont justifiées. 

La création de la Deuxième compagnie de transport de marchandises s'inscrit dans une logique de réforme structurelle de la branche ferroviaire en Russie proposée par la Compagnie des chemins de fer russes. En la suivant, le monopolisateur transmet graduellement une grande partie des wagons à ses "filles" non Etatiques. Plus de 200 milles unités de matériel roulant ont été transmises à la Première compagnie de transport de marchandises (créée en 2007), et près de 180 milles à sa "sœur cadette". Dans les mains des deux "filles" sont désormais concentrés 60% du parc de la Compagnie des chemins de fer russes . En 2010 la Première compagnie de transport de marchandises occupait environ 20-22 % du marché russe des transports ferroviaires. Dans la même proportion on compte également la Deuxième compagnie de transport de marchandise. Dans l'année présente, ces recettes pourraient s'élever à 10 milliards de roubles, et dans 5 ans, à 10 fois plus.

Le leitmotiv des transformations structurelles de la Compagnie des chemins de fer russes consiste en la nécessité d'une rénovation de son parc de wagons. Il a souvent été déclaré dans la compagnie que la régulation Etatique des tarifs handicaperait le monopolisateur comparativement aux transporteurs privés. La pénurie chronique d'argent ne lui permet pas une modernisation du matériel roulant. De plus les bénéfices nets de la Compagnie des chemins de fer russes pour le MSFO dans la première moitié de 2010 ont atteint 58,4 milliards de roubles. 

"Les filles" non Etatiques délivrées de la tutelle "de prix" de l'État, pourront gagner de l'argent et le réinvestir dans l'infrastructure. Comme le service de presse de la S.A. Compagnie des chemins de fer russes l'a indiqué à "RusBusinessNews", d'ici à 2015, la Deuxième compagnie de transport de marchandise devrait investir dans le matériel roulant plus de 140 milliards de roubles. Finalement il "se rajeunira" de 7 ans (l'âge moyen du parc de wagon devrant baisser de 22 à 15 ans). Le problème du déficit de wagons de marchandises serait en même temps réglé. Aussi, la Compagnie des chemins de fer russes est certaine que les deux "filles" pourront se concurrencer l'une l'autre, ainsi qu'avec les opérateurs privés, et que cela sera susceptible de créer des conditions pour la réduction des tarifs et l'augmentation de la qualité des transports.

Les acteurs du marché ne partagent pas l'optimisme du monopolisateur. Selon eux la Compagnie des chemins de fer prépare bien le terrain, mais la situation ne sera pas si simple. Le partenariat non commercial "Russkaya stal" (qui unit les plus grandes entreprises métallurgiques de Russie), avant même la naissance de la "fille cadette", déclarait qu'aucun des buts attendus ne serait atteint. "La création de la Deuxième compagnie de transport de marchandise amènera au renforcement de la situation dominante des "filles" de La Compagnie des chemins de fer russes sur le marché et à l'augmentation de la contrainte tarifaire sur les expéditeurs et les destinataires de marchandises", - déclare, dans sa lettre officielle, le chef de "Severstal" Alexeï Mordachov, au nom du premier vice-Premier Ministre russe, Igor Chouvalov. Le businessman est certain que la Première compagnie de transport de marchandises et la Deuxième compagnie de transport de marchandise pourront manipuler en commun le marché, et le monopole de la Compagnie des chemins de fer russes est transformé en oligopole de ses "filles". 

Dans "Russkaya stal" on juge nécessaire de protéger les expéditeurs de marchandises contre les tarifs exorbitants, et d'établir une gamme de prix pour la Deuxième compagnie de transport de marchandise. Les métallurgistes citent en exemple la première Compagnie de transport de marchandises, après la création de laquelle le coût des transports n'avait, non seulement pas baissé, mais au contraire, augmenté de 20-25%. Dans l'Union des industriels et des entrepreneurs de la région de Sverdlovsk on fait référence à des chiffres plus considérables : entre 30 et 45%. En réponse, l'ex-directeur de la filiale d'Ekaterinbourg de la Première compagnie de transport de marchandises Vladimir Tchernykh a accusé de mensonge les représentants de l'Union. Sans sourciller, il a déclaré que PGK n'aurait pas dépassé le maximum de prix de la Compagnie des chemins de fer russes.

Ses collègues d'atelier affirment que V. Tchernykh a été beaucoup plus malin. Les tarifs du transport ferroviaire sont en effet les mêmes pour tous. Cependant, en obtenant la liberté, les filles de la Compagnie des chemins de fer russes ont trouvé un moyen très facile de gagner de l'argent. "Elles ont augmenté, non pas les tarifs pour le transfert, mais les dépenses de transport pour les expéditeurs. Excepté les dépenses pour le transport, ces derniers sont obligés de payer aux filles de la Compagnie des chemins de fer russes les wagons accordés. Le tarif du transporteur multiplié par " les contributions de wagon "ont conduit à une augmentation de 30 à 50% des dépenses. Et avec la Deuxième compagnie de transport de marchandise ce sera la même chose", - assure le Président de l'Association des transporteurs et des opérateurs de matériel roulant et de transport ferroviaires, Vladimir Prokofiev. 

Les opérateurs d'Ekaterinbourg sont solidaires avec ces derniers. Le Directeur de la compagnie "MS-Trans" Sergueï Khaïdarov a dessiné la future structure du pseudo-marché. Il pense que les "filles" du monopolisateur partageront les transports, en se chargeant du service des grands et moyens propriétaires du fret. La majeure partie des entreprises sera transmise en héritage à la Deuxième compagnie de transport de marchandise de la part de sa structure maternelle. Il est probable que certains clients de la lui seront transférés. "Les Compagnies donneront le ton quant au prix, alors que les petits opérateurs devront rapidement resserrer leurs tarifs conformément à ce pseudo-marché ", a-t-il remarqué. 

Cependant dans la S.A. Compagnie russe des chemins de fer, on ne cache pas que la Deuxième compagnie de transport de marchandises préférera le transport des marchandises hautement rentables, comme le charbon, les métaux, le pétrole, les matériaux de construction ou encore les engrais minéraux. On peut en tirer la conclusion que les producteurs de bois et de gravillon, marchandises dont le transport est peu rentable, resteront en marge des réformes des transports ferroviaires. 

Après la création de la Première compagnie de transport de marchandises, les entreprises du Moyen Oural se sont déjà heurtées à un manque catastrophique du nombre de wagons. Au printemps-été 2010, dans les stocks ont pourri des dizaines de milliers de mètres cube de bois. En raison des problèmes de livraison de la production, l'un des plus grands producteurs de gravillon de la région de Sverdlovsk, la "Direction minière de Pervoouralsk" a failli se retrouver au bord de la ruine. 

L'unique réponse de la Compagnie des chemins de fer de Sverdlovsk était la suivante: "adressez-vous à la Première compagnie de transport de marchandises et aux opérateurs privés". La "fille" de la Compagnie des chemins de fer russes a "rembarré" tout aussi sincèrement les forestiers et les entreprises de production de cailloux, en se rapportant au manque de matériel roulant. Entretemps, une partie des wagons, selon des témoins du producteur, "se couvraient de poussière" dans les voies de garage dans l'espoir de transporter des marchandises plus avantageuses. V. Tchernykh a d'ailleurs tenté de se défendre plus d'une fois contre les accusations de création artificielle d'un déficit du nombre de wagons.

En juillet après l'abattage médiatique dans la région de Sverdlovsk, le déficit de wagon s'est miraculeusement résorbé. Cependant mi-septembre il est à nouveau réapparu. "Cela fait déjà une semaine que nous ne pouvons pas transporter de bois. Dans les stocks, près de 2000 m² se sont accumulés. Il y des quais libres, mais nous demandons des semi-wagons. Compagnie des chemins de fer de Sverdlovsk nous envoit de nouveau vers la Première compagnie de transport de marchandises et vers les opérateurs privés. Mais ils refusent de travailler avec nous", - raconte l'entrepreneur individuel Sergueï Kozmienko de Verkhnaya Tura. 

Les producteurs lient le déficit actuel de matériel roulant à la naissance de la Deuxième compagnie de transport de marchandise et à la transmission à celle-ci du deuxième tiers du parc de la Compagnie des chemins de fer. Selon l'information de "RusBusinessNews", la Première compagnie de transport de marchandises , après s'être servi de la situation, était prête en septembre à mettre à disposition des semi-wagons, mais à un prix presque 2 fois plus élevé que le tarif opéré par la Compagnie des chemins de fer russes. Les opérateurs privés, comme prévu, ont fait une pause jusqu'à octobre. Ils comptent comme la Deuxième compagnie de transport de marchandises augmenter leurs prix d'environ un tiers. Les transporteurs sont certains que la réduction de 5% des tarifs annoncée par la Deuxième compagnie de transport de marchandise durant la première étape de son activité ne sauvera pas le marché du décollage des prix.

Au début de l'automne dans l'engrenage des "wagons" se sont trouvés pris non seulement les producteurs de bois mais aussi de matériaux pour la construction de routes. D'après le représentant de l'une des usines de ciment du Moyen Oural, l'entreprise manque chaque mois de 10 à 15% de matériel roulant. Ses pertes sont estimées à 15-20 millions de roubles. "Il est possible que la situation change, quand la Deuxième compagnie de transport de marchandise s'équilibrera. Nous espérons que son enregistrement à Ekaterinbourg facilitera le processus de négociation", - espère le collaborateur de la compagnie. Cependant il a refusé de préciser son nom, craignant les répressions sur les "wagons" du côté des "filles" de La Compagnie des chemins de fer russes. Évidemment, pour la même raison certains grands établissements industriels ont refusé tout commentaire général de la situation.

L'enregistrement de la Deuxième compagnie de transport de marchandise à Ekaterinbourg fait naître de grands espoirs chez les pouvoirs publics du Moyen Oural. Le gouvernement régional a dû faire de gros efforts pour obtenir l'enregistrement du siège social de la compagnie dans la capitale d'Oural. L'octroi d'allégements fiscaux a constitué une des conditions de l'acceptation d'une telle décision. La loi nécessaire a été adoptée dans un temps record. Elle a accordé des exonérations à toutes les organisations mettant en exploitation des wagons ferroviaires en 2010-2011. Pendant trois ans la Deuxième compagnie de transport de marchandises ne paiera pas d'impôt patrimonial. Le Ministre de l'économie par intérim de la région de Sverdlovsk, Vitaly Nedelsky, a reconnu qu'en 2011 la région perdrait près de 540 millions de roubles. Cependant il a conseillé aux députés de la Douma régionale de ne pas craindre cette importante chute de revenus, en promettant que dès 2012 le flux fiscal devrait augmenter d'un milliard de roubles. Le cabinet ministériel considère qu'en tenant compte de l'impôt sur les bénéfices, l'augmentation devrait être beaucoup plus solide.

Apparemment, la région de Sverdlovsk s'est enfin mise au "wagon" qui la transportera vers un bel avenir financier. Mais en observant mieux la situation on voit que cette solution, dont le gouverneur Alexandre Micharine et son équipe ont fait la réclame, se trouve dans une impasse ferroviaire.

En aidant la Deuxième compagnie de transport de marchandise, les pouvoirs publics du Moyen Oural lui ont créé simultanément un problème inattendu. Se heurtant en permanence à la politique tarifaire de la Première compagnie de transport de marchandises, les entreprises de la région ont perçu la nouvelle loi comme un signal pour agir. Le chef du gouvernement régional Anatoly Gredine a annoncé les projets de la S.A. "NPK Ouralwagonzavod" productrice de matériel roulant de créer deux compagnies propres de transport de marchandises. Une fois qu'ils seront sur leurs pieds, ils pourront dans l'avenir, venir concurrencer sur le marché la Deuxième compagnie de transport de marchandises.

Une partie des députés de la Douma régionale de Sverdlovsk émet un doute sur les pronostics fiscaux optimistes du ministère. Nikolaï Voronine ne rejette pas l'idée selon laquelle, après la fin de la période de franchise, la direction de la Deuxième compagnie de transport de marchandise puisse changer le lieu d'"enregistrement" de son siège central, en "déménageant" d'Ekaterinbourg vers une autre région au climat fiscal plus attrayant.

Le député-communiste Gueorguy Persky a proposé de ne pas nourrir d'illusions au sujet de la Deuxième compagnie de transport de marchandise : "Regardez la première Compagnie de transport de marchandises. La deuxième a été créée selon son image, cela n'est un secret pour personne. Même la quantité de wagons et les délais de leur transmission par La Compagnie des chemins de fer russes sont identiques. L'impôt sur les bénéfices payé par Première compagnie de transport de marchandises est bien moins élevé que ce qu'on veut nous faire croire. Si l'on tient compte du fait que la transmission des wagons se prolongera 4 ans au minimum, dans les deux premières années il y aura des entrées d'un kopeck de la part de la Deuxième compagnie de transport de marchandise. Par contre combien perdra-t-on sur le budget de la région de Sverdlovsk pendant cette période! La loi sur les exonérations fiscales a été adoptée en particulier pour la Deuxième compagnie de transport de marchandise. Elle est l'exemple d'un lobbysme non dissimulé de la branche du côté d'Alexandre Micharine, l'ancien chef des chemins de fer de Sverdlovsk, et à présent gouverneur de la région". 

Konstantin Djoultaïev, Marina Sirina