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Un bouclier russe à deux francs18.04.2011 — Analytique Le gouvernement russe a décidé de prélever une partie des bénéfices reçus en 2010 par les entreprises publiques du secteur militaro-spatial du pays. Cette décision a fortement étonné les experts. Ils ont déclaré au correspondant de "RusBusinessNews" que l'adoption du nouveau programme russe d'armements pour 2020, dans lequel une place importante est accordée à la question de l'armement et du nucléaire, n'est pas du tout compatible avec le retrait de moyens financiers aux producteurs. Personne au monde ne peut réussir à construire un système fiable pour assurer la sécurité d'un pays avec seulement ''trois kopecks''. L'Agence fédérale spatiale russe (Roscosomos) a obligé l'entreprise publique fédérale "NPO Avtomatiki", qui s'occupe de la conception et de l'élaboration de systèmes de direction pour les missiles, à transférer à partir de l'année 2011 25 % de ses bénéfices nets au Trésor public. Jusqu'à présent, la "redevance" budgétaire ne s'élevait pas à plus de 1 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, soit environ 300 000 roubles. La ponction de 7.5 millions de roubles sur les bénéfices de l'année précédente, a été très porté un coup à la Direction de l'entreprise. Selon elle, le groupement de recherche et de production réalise un grand travail de modernisation de sa production et de formation de jeunes effectifs, ce qui nécessite d'importants moyens. La décision du cabinet des ministres de Vladimir Poutine, au fond, met une croix sur le rééquipement technique de "NPO Avtomatiki". La directive de l'Agence spatiale russe a soulevé des questions non seulement au sein des entreprises du complexe militario-industriel, mais aussi chez les analystes. L'expert du Centre d'analyse des stratégies et des technologies Andreï Frolov ne comprend pas pourquoi il faudrait prélever une part des bénéfices nets des entreprises publiques, alors même que dans le budget de l'État commence à apparaître des profits. Cependant, l'expert reste sceptique quant aux hypothèses selon lesquelles les entreprises de l'Agence spatiale russe auraient ainsi décidé de punir les entreprises d'Etat pour les mauvais lancement des satellites ces six derniers mois: il s'agirait vraiment là d'une réaction inadaptée. L'Agence spatiale russe a refusé d'expliquer la pression financière exercée sur "NPO Avtomatiki". L'attaché de presse de l'Agence, Alexandre Vorobiev, a déclaré à "RusBusinessNews": "Nous ne commentons pas les rumeurs. Envoyez-nous le document prouvant l'existence de prélèvements sur une part des bénéfices et alors nous accepterons de discuter". Cependant Viacheslav Mikotine, Directeur adjoint en charge de la gestion et des finances de l'entreprise "NPO Avtomatiki", a confirmé qu'il ne s'agissait pas du tout de rumeurs. D'après lui, cette directive proviendrait du gouvernement, et l'Agence spatiale russe ne ferait que la retransmettre. L'entreprise ne veut pas faire de bruit, mais tente de lutter pour sa survie financière. À son tour, le Directeur de l'Institut des problèmes de la mondialisation Mikhaïl Deliaguine a rappelé au correspondant de "RusBusinessNews" que le propriétaire de l'entreprise (dans le cas présent l'État) a le droit de disposer des bénéfices nets comme il l'entend. Et, d'après lui, dans certains cas il est nécessaire d'en prélever une partie, notamment lorsqu'elle est dépensée pour le paiement de primes et bonus aux top managers. Le paradoxe réside dans le fait que les industriels ne peuvent parfois pas recevoir l'argent gagné de la part du budget fédéral. L'union des entreprises des industries de la défense de la région de Sverdlovsk écrit régulièrement des lettres au gouvernement russe sur la nécessité de rembourser les arriérés de paiement pour les commandes d'État déjà accomplies. Le Directeur exécutif de l'Union, Vladimir Koukarsky, a déclaré à "RusBusinessNews" que récemment avait eu lieu une rencontre des chefs des entreprises avec l'adjoint au Ministre de la défense de la Fédération de Russie, Vladimir Popovkine, ce dernier ayant promis de résoudre rapidement le problème des dettes de l'année précédente et des commandes de l'État pour l'année 2011. Jusqu'ici, l'objet du différend entre les industriels et les militaires portait sur les prix de la production. Les années précédentes, le Ministère de la Défense, choqué de l'augmentation constante et progressive des prix de l'armement et de l'équipement militaire, avait proposé de limiter la rentabilité des entreprises du complexe militaro-industriel à 15-25%, et d'établir le coefficient de déflation en tenant compte de leurs dépenses à 10%. Les producteurs espéraient que l'État aspirerait ainsi à résoudre le problème de la réduction du coût de l'armement aux dépends des constructeurs de machines-outils. De simples calculs montrent que dans un contexte de hausse des prix des ressources énergétiques de 15-19% par an, l'inflation industrielle ne peut pas s'élever à 10 %. Elle est en réalité considérablement plus élevée : par exemple, pour la SA "NPL" Ouralwagonzavod" les spécialistes ont proposé d'établir en 2010 le coefficient de déflation à 25%. Les experts nomment quelques raisons obligeant les fonctionnaires à insister pour une inflation à 10%. L'une d'entre elles réside dans l'imperfection de la loi sur les marchés publics, permettant de gagner des appels d'offres pour la livraison de l'armement et de l'équipement technique et militaire aux compagnies "de poche" des fonctionnaires, qui poursuivant le dessin de faire du profit, mettent le couteau sous la gorge aux usines en réduisant leurs prix et en maintenant une inflation basse. La deuxième raison amenant à une mutilation de la formation des prix en Russie, se trouve dans les particularités de l'économie nationale. Les principaux investisseurs et les sources de bénéfices sont de grandes compagnies d'État de type monopolistique. Elles ont acquis une multitude de filiales dans lesquelles il est pratiquement impossible d'effectuer une analyse réelle des dépenses. L'opacité et l'inefficacité des monopoles conduisent à une baisse de leur compétitivité sur les marchés extérieurs. A titre d'exemple, la SA "Gazprom" n'arrive pas aujourd'hui à trouver un accord sur les livraisons de gaz naturel en Asie du Sud-est, région très importante du point de vue géopolitique. La Chine est prête à acheter du combustible à moins de 165 dollars pour 1000 mètres cube, or "Gazprom" affirme que ses ventes ne deviennent rentables qu'à partir de 220 dollars. Les experts n'excluent pas qu'au final la compagnie puisse faire des concessions en acceptant de vendre son gaz plus bas que le prix de revient, comme l'a fait en son temps la SA "Inter RAO UES" en acceptant de vendre à la Chine son énergie électrique. La compagnie avait alors reporté ses pertes sur les consommateurs russes - ce que fera probablement "Gazprom" en augmentant une fois de plus les prix de sa production sur le marché intérieur. Pour les experts il est évident que, n'ayant pas réussi à rendre ces monopoles transparents et ni à modifier la procédure des commandes publiques, l'État ne pourra jamais mettre un frein à la hausse des prix de l'armement, et la formation des prix par directives risque de détruire l'industrie militaire. Selon les managers, la plupart des entreprises du complexe militaro-industriel manquent terriblement de moyens pour leurs travaux de recherche et de développement, ce qui prédétermine le retard de la Russie sur ses concurrents. L'État, au lieu de résoudre la question de l'investissement dans les travaux de recherche et de développement, préfère retirer une part des bénéfices aux quelques entreprises qui demeurent sur le marché. Avec quels moyens le complexe militario-industriel russe élaborera-t-il et produira-t-il les nouveaux équipements attendus par l'armée en 2020? Cela reste une énigme. Vladimir Terletsky |
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