Le wagon du désordre économique

15.11.2010 — Analytique

Dans la région de Sverdlovsk, il n'y a pas assez de wagons pour le transport de marchandises. Les autorités ont proposé au business de créer une compagnie régionale de transport, de prendre des crédits et d'acheter du matériel roulant. Les experts considèrent que les fonctionnaires poussent les entrepreneurs dans une aventure douteuse: les problèmes de transport résident non pas dans le manque de wagons, mais dans une conduite centralisée trop faible et dans le fait que l'infrastructure ferroviaire est aujourd'hui obsolète. Comme nous le montre le correspondant de "RusBusinessNews", la réduction des vitesses moyennes des réseaux dans les transports ferroviaires de marchandises se fait déjà sentir sur le rythme de la croissance économique russe.

Le Ministre de l'Industrie et des Sciences de la région de Sverdlovsk, Alexandre Petrov a proposé à l'Union des industriels et des entrepreneurs de Sverdlovsk d'organiser une compagnie régionale ferroviaire de transport de marchandises. Selon lui, une telle mesure peut foncièrement résoudre le problème du manque de matériel roulant sur le marché régional de transport de marchandises. Le gouvernement de l'oblast a exprimé sa volonté d'accorder des avantages fiscaux à la nouvelle structure, et les banques, des crédits pour l'achat de wagons.

L'initiative des pouvoirs publics a étonné les experts, puisque très récemment, dans la région de Sverdlovsk, a été enregistrée la "Deuxième compagnie de transport de marchandises", qui, selon les idéologues de la réforme de la Compagnie des chemins de fer russes, doit entièrement satisfaire aux besoins du business des transports ferroviaires. Pour un meilleur fonctionnement de la compagnie, les autorités de Sverdlovsk ont accordé au transporteur des allégements fiscaux sans précédent. Mais c'est le manque constant de matériel roulant qui intéresse encore plus les experts.

Comme l'affirme Alexeï Bezborodov, Directeur général de l'Agence analytique InfraNews, il n'y a en réalité aucun déficit en wagons. Les études réalisées ont montré que le marché ne nécessite pas une telle quantité de semi-wagons, de quais et de citernes comme celle qui est proposée par les constructeurs des machines. En conséquence, dès mi - 2011 - au maximum, début 2012 - les usines de wagons pourraient se heurter à l'absence de commandes pour la production. Il n'est d'ailleurs pas exclu que certaines se retrouvent en faillite.

Les acteurs du marché sont sceptiques quant aux pronostics d'InfraNews. D'après les données du service de presse de la SA "NPK" OuralWagonZavod", en 2011 la corporation a l'intention de produire plus de 20,000 unités de matériel roulant, dont pas moins de 3,000 semi-wagons de nouvelle génération avec des paramètres techniques et d'exploitations améliorés. Cette année l'entreprise de Nijnyi Tagil produira près de 19,000 semi-wagons et citernes. Les principaux acheteurs de cette production seront toujours la "Première compagnie de transport de marchandises","VostokNefteTrans" (une société conjointe d'OuVZ avec "Transpetrol"), ainsi que les principales compagnies privées de transport.

Le chef du Groupe de fondage et de moulage ferroviaire et de construction de wagons du holding de construction mécanique "Consortium des usines de tracteur", Albert Kostromine, a indiqué à "RusBusinessNews" qu'en 2010 près de 80,000 wagons seraient produits dans le pays. Une série de compagnies-opérateurs a déjà annoncé ses plans pour l'année 2011 : par exemple, la Première compagnie de transport de marchandises a l'intention d'acheter 40,000 semi-wagons pour le premier semestre. Si un tel rythme de développement du marché des transports persiste, toutes les capacités de production seront nécessaires. Selon A. Kostromine, que les transporteurs élargissent ou non leur parc de véhicules ou remplacent le matériel roulant obsolète n'a pas d'importance pour les constructeurs de wagons. Il souligne que, non seulement les usines actuelles de construction de wagons présentes sur le marché (y compris dans les pays de la CEI), mais aussi les nouvelles capacités de production des wagons et le moulage des machines dont l'ouverture de est planifiée pour l'année 2011, ne pourront pas faire face à une croissance plus rapide de la demande en wagons.

Le Directeur général de la SARL "ТК Service de conteneur" Gleb Kinder suppose que les volumes de production des produits pétroliers vont augmenter en Russie ce qui prédéterminera la demande en citernes. La situation peut changer avec la mise en exploitation des nouveaux pipelines, mais leur construction est encore loin d'être terminée. "Je pense, - résume G. Kinder, - que dans les 2-3 ans à venir, la tendance à l'augmentation de la demande en citernes persistera". Il n'exclut pas que dans l'immédiat une reprise du secteur de transport par container soit possible, en particulier si on réduit les tarifs ferroviaires. Selon le manager, il est très probable qu'un tel scénario se développe.

Entretemps, A. Bezborodov a indiqué à "RusBusinessNews" que ses calculs se confirment dans la pratique. D'après lui, la réduction de la demande en wagons n'est pas liée à la chute des volumes de transports de marchandises : sur certaines positions on enregistre en effet une croissance de 6-7%. Tout est dans l'efficacité de l'utilisation du parc de véhicules. La méthode du calcul de la corrélation entre la matériel roulant et le transport de marchandises a montré que plus il y a de wagons, plus le travail de dispatching centralisé est mal réalisé, et donc, plus le transport de marchandises est long, et naturellement, plus il faut de wagons. Un tel scenario de développement de la situation est avantageux pour les transporteurs et les constructeurs de wagons, mais cela n'arrange en rien l'économie.

Le chef du service des relations publiques de l'Institut des problèmes des monopoles naturels, Alexandre Striga, ne s'est pas lancé à commenter l'affirmation d'InfraNews, mais il ne nie cependant pas le fait qu'en Russie, la vitesse des réseaux moyens des transports ferroviaires de marchandises ait baissé. Cela ne signifie pas que les restrictions infrastructurelles commencent à retenir la croissance économique.

Les cheminots affirment qu'ils ne peuvent pas renouveler le matériel roulant à la vitesse nécessaire. Cela est empêché par la hausse régulière des prix des wagons de marchandises qui a repris avec l'affaiblissement de la crise de 2008-2009. Les raisons de l'augmentation des prix proviennent des métallurgistes, qui se basent sur les prix mondiaux, bien qu'ils aient les matières premières et même leurs propres transports. Les constructeurs de wagon y sont aussi pour quelque chose. A en voir les paramètres économiques de la société "NPK" Ouralvagonzavod" publiés sur son site, la corporation vend ses wagons entre 80,000 et 90,000 dollars l'unité.

En Ukraine, où près de 80% de la production de matériel roulant est exportée vers la Russie, les wagons coûtent 67,000 dollars l'unité. Cependant, il a déjà été annoncé qu'en 2011 le prix augmenterait jusqu'à 90,000 dollars. Aussi, le chef du Groupe analytique du Consortium de consulting "Management consulting group", Dmitry Podtourkine, affirme que le coût de revient pour la construction d'un wagon en Ukraine n'excède pas 33,000 dollars.

La guerre des prix a déjà conduit au fait que les chemins de fer n'ont pas le temps de moderniser son matériel roulant et son infrastructure, et ce, de manière catastrophique. Mikhaïl Bourmistrov, lors de la conférence "Infotrans-2010", a prédit une importante crise ferroviaire dans un avenir proche, qu'il serait possible d'éviter uniquement en augmentant l'efficacité de l'exploitation des transports sur le compte des nouvelles ressources d'information et d'analyse. Le chef de la Compagnie des chemins de fer russes Vladimir Yakounine, a remarqué à son tour, qu'aujourd'hui la tâche la plus importante consiste en la nécessité de créer un système efficace de planification et de prévision.

Vladimir Terletsky